Escorté par des dauphins, le Star Flyer glisse dans le golfo dulce. Des côtes Pacifique, on ne distingue que du vert, si dense et si puissant qu’il virerait presque au noir. Des nuages effilés semblent s’élever d’entre l’épaisse masse d’arbres. Jusqu’à la mer des Caraïbes, de l’autre côté de l’isthme, ce sont volcans en activité, sources thermales, grottes, montagnes, canyons, fleuves et chutes d’eau, une diversité d’écosystèmes inattendue dans un si petit pays à peine plus grand que la Suisse.
Soixante-dix mètres au-dessus du vide
Prospère, paisible et tolérant, le Costa Rica a plusieurs motifs de fierté : l’éducation et la santé gratuites pour tous, une armée dissoute en 1948 et un ancien président prix Nobel de la paix, Oscar Arias. Et si le Parlement reporte le débat du mariage gay–l’église catholique, religion d’état, y veille-, le pays a depuis longtemps adopté cette importante communauté à laquelle se mêlent de plus en plus Nord-Américains et Européens.
Pavillons © Béatrice Leproux
Ici, ils sont cent vingt à avoir préféré la croisière à bord d’un voilier–soixante-dix cabines- aux gigantesques villes flottantes impersonnelles proposées habituellement pour les croisières gay. « C’est beaucoup plus intime, s’enthousiasme Bob. Que l’on soit en couple ou célibataire, on se rencontre plusieurs fois par jour : à table, au bar, en soirée ou en excursion. Forcément, on se fait vite des amis». Et Claude de renchérir : « ici, zéro frime, zéro chichi, on est comme on est ».
Assez des usines à casinos, malls, ascenseurs aux allures de monte charge qui déversent plus de mille touristes à la fois sur le même spot. Assez de ce visage entraperçu qu’on ne reverra jamais, de cette conversation qui ne reprendra pas, de la carte de visite dont on ne sait même plus à qui elle appartient. Ici, tout est à portée de main. A échelle humaine pour que tout le monde fasse connaissance et suffisamment spacieux pour s’isoler. A bord, on sent la mer, le roulis parfois, les voiles qui claquent et qui se gonflent, même secondées par le moteur. On peut se vautrer sur le filet tendu de part et d’autre du beaupré et observer les dauphins jouer dans la lame d’étrave. Avec un peu de chance, on apercevra même des baleines à bosse. Et si l’envie nous en prend, on grimpera au mât ou on hissera la grand-voile à la force du poignet.
Outre les sports nautiques et la randonnée à cheval, la tyrolienne dans la forêt pluviale de Golfito remporte un franc succès : suspendu par une poulie à des câbles d'acier tendus entre des arbres, casqué et harnaché, on glisse d’un arbre à l’autre au-dessus de soixante-dix mètres de vide. Kim Gustavsson, directeur de Concierge Travel, tient à être présent sur les voyages qu’il organise. « C’est une toute autre ambiance, raconte Kim. On se rencontre plusieurs fois par jour : à table, au bar, en soirée ou en excursion. Contrairement aux gros paquebots que je fréquente aussi avec plaisir, c’est une toute autre expérience, très personnalisée ». Présent sur les voyages qu’il organise, mêlé aux passagers, Kim y veille avec beaucoup de bienveillance. Et aussi d’humour. La première soirée donne le ton : soirée underwears. Rien de tel pour briser la glace. « Après cela, commente Kim Gustavsson, il n’y a plus grand-chose à montrer ni à cacher ! On peut être soi-même ». Il n’y a pas de place pour la triche. « Dans les grands navires, raconte Bob, il faut en faire des tonnes pour se faire remarquer parmi deux milles mecs. Tout est dans la séduction. Ici, c’est inutile, on est tous beaucoup plus cool, on est bien comme on est ».
Dans le même esprit « familial », les artistes accueillis à bord partagent la vie des passagers tout le long de la croisière. «J’invite Chi Chi Rones et Amy & Freddy pour leur talent et parce qu’ils sont reconnus par notre communauté », poursuit Kim. Entre une chanson et un numéro, leurs commentaires humoristiques sur une situation de la journée font un tabac. Ultime argument en faveur des mini croisières : la qualité des repas. Cuisiner pour cent ou pour deux mille ne relève pas de la même recette
Forêt pluviale, Golfo Dulce © Béatrice Leproux
Au petit matin, le quatre mâts glisse dans le golfo dulce. Des côtes, on ne distingue qu’une masse verte et dense d’où s’élèvent des nuages effilées La voilà cette fameuse forêt pluviale tropicale, propre aux climats chauds à l’humidité permanente, qui couvre le tiers du pays. Dans cette végétation exubérante, nous devinons une vie, des bruits, des cris qui nous sont encore inconnus. Jour après jour, en remontant la côte depuis le Panama jusqu’au golfe de Nicoya, chaque escale offre l’opportunité d’une aventure. A Golfito, le zipline remporte un franc succès : munis d'un casque et d'un harnais, suspendus par une poulie à des câbles d'acier tendus entre des plates-formes arrimées aux arbres, on glisse d’un arbre à l’autre, parfois sans estimer les soixante-dix mètres au-dessous de nous tant le feuillage est touffu. Se voir quasiment flotter au dessus de la canopée vaut la montée d’adrénaline.
Confidences pour confidences
Au bar, à table, sur un ponton flottant ou en pleine forêt, on passe de la franche rigolade aux conversations les plus intimes. On évoque un père intransigeant, une punition injuste, une vie sans sel, une épouse qu’on aimait, des adolescents à élever et puis, la rupture, la renaissance, souvent difficiles. On compare droits des homosexuels de part et d’autre des frontières. Certains l’ont passée pour pouvoir se marier. D’autres résistent, militent. D’autres encore ont des enfants, nés d’une mère porteuse. Concierge Travel soutient activement Human Rights Campaign. D’ailleurs, ce soir, il y a conférence à bord. Neil Giuliano est CEO de la San Francisco Aids Foundation et président de l’association GLAAD (Gays & lesbians alliance against desinformation). En images, il retrace l’évolution du statut des gays en Amérique du Nord. Edifiant. Fous-rires et larmes, l’émotion est forte. La musique et la fête se chargeront de la libérer.
A la rencontre des singes hurleurs
Dans la péninsule de Osa, Drake est la porte d’entrée du Corcovado, l’un des parcs les plus sauvages et inextricables du pays. Parcouru de rios et de cascades, c’est entre autre l’habitat du jaguar, de l’ocelot, du pécari –petit sanglier à queue très courte-, du tapir et de nombreux oiseaux dont les fameux aras-macaos écarlates. Dans ce fouillis végétal s'entrelacent cinq mille plantes différentes, arbres, lianes, fougères, orchidées, dans un perpétuel combat pour la lumière.
Un couple d’aras macao - grands perroquets au manteau écarlate - pousse des cris stridents et secs tout en décortiquant des amandes. Les pasdanas ceux d’un guide, les yeux écarquillés, on s’arrête devant une fleur improbable, un insecte, une grenouille spectaculaire -yeux rouges et flancs rayés de jaune – ou le nez en l’air, on fouille la canopée à la recherche d’un porc-épic endormi ou d’une colonie de singes-araignées. Au sortir de la forêt, le littoral est une succession de criques, petites plages secouées par les rouleaux et de côtes rocheuses. Entre juin et novembre, une des sept espèces de tortues marines présentes dans les eaux du pays vient pondre dans le sable. Les pêcher ou en récolter les œufs coûte quatre ans de prison. Un crocodile rôde d’une mangrove à l’autre en passant par la mer.
Quepos est la petite ville gay par excellence où s’imposait, au début des années 70, la première plage naturiste, La Playita. A quelques kilomètres, c’est le Parc national Manuel Antonio. Très fréquenté, avec des sentiers un peu trop bien balisés, on y observe néanmoins facilement iguanes, petits cervidés, paresseux et coatis, cette espèce de ratons-laveurs. Les baigneurs veillent à ne pas laisser leur sac sans surveillance : des singes capucins se chargeraient d’en retourner le contenu.
Osa Peninsula © Béatrice Leproux
Plus au Nord, les îles Tortugas marquent l’entrée du golfe de Nicoya. Au choix, farniente sur le sable blanc, plongée et snorkeling ou bien trek à la rencontre des singes hurleurs dans la réserve de Curu. Chaque soir, tous les passagers squattent le pont en guettant le coucher de soleil. Certains s’essaient à escalader le mât tandis que d’autres, allongés sur le filet tendu de part et d’autre du beaupré, observent les dauphins jouer dans la lame d’étrave. Les basses font déjà vibrer le bar tropical. Ce soir, ce sera encore la fête à bord, et jusque dans la piscine.
(mis à jour le 30 janvier 2020)
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